Guy Bourgouin Mushkegowuk—Baie James

Gouvernenment de l'Ontario

Lettre ouverte: La réalité des services en Français dans le Nord de l'Ontario

Publié le 19 Apr, 2024

Le budget est sur le point d’être voté. On a comme une impression de déjà-vu. Sans surprise, la conversation publique tourne autour des mêmes thèmes : l’ironique déficit budgétaire, le recyclage des promesses du gouvernement en infrastructures, le développement du cercle de feu.

Ce qu’il va manquer comme discussion sur la scène publique, c’est souligner l’occasion ratée d’adresser l’abandon systémique des Franco-ontariens du Nord.

L’Ontario n’a jamais été aussi affectée par les coupures dans les services de santé et d’éducation, les deux plus gros paliers d’une société prospère et vibrante. Parlons santé.

Près de 2.3 millions d’Ontariens sont sans médecins de famille. On estime que d’ici 2026, c’est le quart des Ontariens qui n’en n’auront pas. 40% des médecins considèrent prendre leur retraite dans les cinq prochaines années. Devant la privatisation massive encouragée par le gouvernement et l’exode des professionnels de la santé vers le privé, dire que tout va bien serait faire l’autruche.

Entre en jeu le premier fardeau : habiter dans le Nord de la province.

Je pense à la ville de Hearst, une ville du secteur forestier qui habite un peu plus de 5 000 habitants, dont 4 000 habitants sont sans médecins de famille. Comprenez-moi bien: les médecins de nos communautés du Nord sont tellement rares, qu’ils sont trop souvent médecins de famille et urgentologues. Donc, non seulement plus de 70% des habitants de Hearst sont sans médecin de famille, mais en plus ils doivent le partager avec la chambre d’urgence. Si un médecin part, les chances sont que les urgences doivent fermer de façon temporaire ou permanente. Il y en a d’autres, des villes comme Hearst.

Entre le deuxième fardeau : vivre en français en Ontario.

Environ la moitié des francophones disent parler anglais avec leur médecin de famille. Plusieurs cochent la case ‘’Anglais’’ comme langue de choix pour recevoir leur service de santé lorsqu’ils s’inscrivent sur la liste d’attente du ministère en espérant que ça soit plus vite. Parallèlement, la crise de dotation de médecins dans le Nord crée l’effet contre-productif d’accepter des médecins unilingues anglophones pour assurer les services de base. Résultat, on a du personnel administratif dans les cliniques du Nord qui ajoutent un service d’interprétation informel d’anglais à français dans leur liste de tâches. C’est honteux de vivre ça dans une province sujette à la loi sur les services en français.

La question se pose : concrètement, le gouvernement fait quoi?

Dans le budget, la seule mention d’une somme pour l’amélioration de l’accès aux services en français dans l’ensemble de l’Ontario est de 10M$ sur trois ans, soit un peu plus de 3M$ par année.  

Entre les entrepreneurs francophones qui vont chercher du financement pour des entreprises en démarrage, les nombreux conseils scolaires dans le système français qui demandent du financement pour le transport scolaire et les hôpitaux qui veulent régler leur crise de dotation de médecins francophones partout dans la province, qui va gagner? De ceux-là, combien de ce 3M$ par année va aller dans le Sud de la province ou dans l’Est, plutôt qu’au Nord, et combien de minutes ça va prendre pour dépenser la totalité du montant?

C’est ça, la réalité du fait français en Ontario. Choisis : habite dans le Sud ou parle anglais.